Immigration chrétienne et musulmane, par Catherine Wihtol de Wenden

Aucune idée reçue ne disparaît, la religion comme obstacle à l’intégration était déjà un thème dans l’entre deux guerre, sans parler de l’antisémitisme virulent des années 30. Ce sont des stéréotypes que j’aborde dans mon livre qui vient de paraître en 2022 “Figures de l’autre”, publié chez CNRS éditions. 

Revenons au rôle du religieux comme obstacle à l’assimilation dans le passé. Cette idée très répandue, aujourd’hui dans les milieux conservateurs, est que du temps des immigrés chrétiens l’intégration fonctionnait mieux, précisément à cause de la même religion dominante partagée entre les immigrés et les nationaux. 

C’est faux, puisque la France était alors une société très laïque, voire anti-cléricale dans le monde du travail. Le fait d’être chrétien pratiquant était vécu comme un obstacle à l’assimilation car, notamment les italiens ou les Polonais, se regroupaient entre eux autour de leur curé et dans leur langue d’origine. C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui le communautarisme. 

Rappelons que la France est le plus ancien pays d’immigration en Europe, dès 1850, et que les migrants sont arrivés dans un pays fortement déchristianisé dans le monde du travail et notamment syndical. Les immigrés de l’époque, Belges, Italiens, Espagnols, Polonais, puis Portugais, étaient de leur côté très respectueux de leur religion en arrivant, surtout lorsqu’ils venaient du monde rural. 

Ils étaient souvent méprisés par l’opinion publique mais désirés par le patronat qui y voyait une main d’œuvre docile, non syndiquée, et encadrée par des prêtres et associations religieuses, comme les Belges dans les mines du nord de la France. Les missions italiennes religieuses très puissantes à l’époque contribuaient aussi à l’insertion de leurs nationaux tout en les maintenant dans un milieu italien. 

Sur 150 ans d’immigration on constate donc une grande stabilité des stéréotypes quelles que soient les nationalités qui en sont la cible. Les idées reçues coexistent sans jamais disparaître et se superposent dans un rejet de l’autre qui amalgame des thèmes anciens et nouveaux contribuant à un populisme diffus dans tous les pays européens.

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