Visibilité médiatique des migrations et polarisation des opinions – Table ronde #13

Cette 13e table ronde de la série de rencontres publiques “Médias Migrations” est organisée en partenariat avec Sciences Po-Ceri (Projet PACE) et l’Institut Convergences Migrations.

Les chercheurs en sciences sociales s’intéressent de plus en plus à ce qui détermine les opinions publiques sur les migrations et la diversité. Les médias classiques, dont en particulier la presse, et les réseaux sociaux diffèrent dans leur manière respective de produire et de faire circuler des discours et des représentations sur les migrations. Et ils entretiennent entre eux des liens complexes. Néanmoins, presse comme réseaux sociaux semblent fortement polariser l’opinion publique sur les questions migratoires. Cette rencontre est l’occasion d’interroger les discours autour des migrations  dans l’espace médiatique et les réseaux sociaux et leurs effets sur l’opinion publique. 

Intervenant(e)s :

Katharina Tittel, doctorante en sociologie, Sciences Po Paris, affiliée au Medialab

Jérôme Valette, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)

Yaël Goujon, réalisateur du documentaire « L’audience »

Léa Chamboncel, journaliste politique, autrice et fondatrice de Popol Media

Compte-rendu

Katharina Tittel, doctorante en sociologie, Sciences Po Paris, affiliée au Medialab, précise que des études montrent que la production du contenu politique sur X est géré par une minorité vocale. Les utilisateurs qui suivent les sujets de migrations sont déjà davantage positionnés à droite ou extrême droite et ils publient davantage sur le sujet que d’autres profils politiques.

Les utilisateurs twitter de droite et d’extrême droite reprennent les articles d’autres médias moins marqués tout en critiquant leur point de vue (qui serait biaisés). Alors qu’à gauche ou à l’extrême gauche, il y a moins de partages d’articles sur le réseau.

Jérôme Valette, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) s’intéresse à la production du sujet migration dans les médias traditionnels et comment ces médias peuvent influencer les attitudes sur le sujet. Parler d’immigration a déjà un effet sur les attitudes, parler ou non des migrations entraîne en soit un effet, et se pose ensuite la question de « comment » parle-t-on du sujet qui aura également des conséquences. La conséquence selon l’étude de Jérôme Valette : les personnes à droite (LR dans l’étude) se positionneront davantage à l’extrême droite et ceux au centre tendront à se reporter sur le Parti socialiste.

Comment parle-t-on de migrations ? Lorsque le sujet porte sur la criminalité, la nationalité n’est précisée que pour les étrangers, ce qui influe sur l’opinion. Un journal allemand, Sächsige Zeitung, tente de toujours préciser la nationalité, y compris des allemands. Résultat : moins de peur des étrangers, recul des idées d’extrême droite.

Yaël Goujon, réalisateur du documentaire « L’audience », évoque la question du « comment parler de migrations », à travers l’exemple de son documentaire sur la Cour nationale du droit d’asile. Il explique les difficultés d’accéder aux personnes qui participent à ces audiences, notamment les juges et les avocats. Ce qui démontre que le sujet de l’asile est délicat et certains s’interrogeaient sur l’objectif du documentaire, avec une défiance vis-à-vis des médias.

Plusieurs fois la question de la visibilité des demandeurs d’asile s’est posée, certains avocats demandaient s’ils seraient aussi associés. Il y a eu donc plusieurs obstacles pour parler du sujet.

Léa Chamboncel, journaliste politique, autrice et fondatrice de Popol Media, indique que le sujet des migrations est remis sur le tapis au moment des élections, sans qu’il y ait nécessairement un lien, par exemple au moment des élections européennes.

Lorsque des personnalités politiques sont approximatives, voire disent des choses fausses, il y a rarement de contradiction. Qu’est-il possible de faire ? Contrer le discours dominant peut emporter des conséquences graves, avec des menaces de mort et sans soutien de l’Etat. Il faut continuer à parler de migrations mais sous d’autres angles : en cas de violences sexuelles, on rappelle que 9 fois sur 10 les faits proviennent de proches, qui ne sont pas des étrangers. On peut aussi parler avec un angle genré : quel impact de la migration sur les femmes ?

Le langage employé dans la presse doit être remis en question, par exemple il faudrait rayer « crise migratoire », sortir aussi du terme « migrant » qui devient trop connoté. Utiliser d’autres mots est aussi important.

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