Plusieurs candidats et candidates à la présidence de la République ont proposé dans le cadre de leur campagne l’organisation d’un référendum sur l’immigration. Ces propositions auraient trouvé un certain écho, si l’on en croit par exemple le sondage de l’Institut CSA pour CNEWS rendu public le 17 juin, selon lequel 62% de la population française serait favorable à l’organisation d’un référendum visant à limiter l’immigration vers la France. Mais est-ce juridiquement possible, et, si oui, selon quelles modalités ? Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble Alpes, et Tania Racho, Docteure en droit européen et Directrice des formations Les Surligneurs, vous répondent en quatre questions et quatre minutes.
Qu’est-ce que le « référendum sur l’immigration » annoncé par divers candidats à la présidentielle de 2022 ?
Des candidats, comme Guillaume Pelletier des Républicains ou une candidate à la présidentielle comme Marie Le Pen, ont proposé des référendums sur l’immigration. Ces référendums consistent en la suppression du droit du sol, le durcissement des critères de naturalisation, la fin du regroupement familial, l’externalisation des demandes d’asile ou la suppression de tout obstacle à l’expulsion des délinquants étrangers. Même si ces mesures sont approuvées par voie de sondage, on peut s’interroger sur la constitutionnalité de telles propositions.
Cette promesse électorale peut-être être tenue ?
Cette promesse électorale ne peut pas être tenue. Pour consulter les citoyens par référendum, il y a un cadre précis prévu dans la Constitution. Il faudrait déjà savoir quelle la question serait soumise à référendum, car, à ce stade, le sujet embrasse trop d’aspects (droit du sol, propositions de quotas, suppressions d’aides sociales, durcissement des visas). Selon l’article 11 de la Constitution stipule à l’article 11, le référendum peut porter sur une réforme de la politique sociale ou économique, tout en précisant immédiatement que la question du référendum ne peut pas être contraire à la Constitution. Donc, cela exclut d’office des questions sur le regroupement familial ou sur le droit d’asile, qui sont en fait protégés par la Constitution. Toucher au droit d’asile nécessiterait de sortir des engagements internationaux, ce qui n’est pas envisagé ni anticipé dans les propositions de référendum. Reste la question de l’utilisation de l’article 89, qui permet de réviser la Constitution, et c’est une proposition de David Lisnard, maire de Cannes. Cela semble davantage possible juridiquement, mais cela ne porterait que sur un aspect limité à des questions d’immigration légale ou économique qui ne pourraient pas porter sur l’asile ni sur les étrangers ressortissants européens.
Sur quels aspects des politiques migratoires un référendum pourrait-il être juridiquement recevable aujourd’hui ?
On peut imaginer un référendum sur l’immigration économique ou sur les conditions d’accès à l’aide sociale. Mais cela ne serait pas très utile puisque une simple loi permet de faire évoluer ces réglementations. Il ne serait pas possible d’organiser un référendum sur le regroupement familial, le droit d’asile ou les citoyens de l’Union européenne, puisque cela serait contraire aux droits fondamentaux garantis par la Constitution. Souvent, les partisans du référendum invoquent le précédent du général de Gaulle, qui a organisé un référendum contraire à la Constitution pour l’élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962. Mais ce précédent ne pourrait pas se renouveler, puisque, aujourd’hui, le Conseil constitutionnel peut être saisi du projet de texte et le déclarer contraire à la Constitution.
En conclusion, que retenir de ces promesses de réferendum sur l’immigration ?
En conclusion, deux éléments sont importants à retenir.
Premièrement, la grande majorité des aspects de ce référendum sur le thème de l’immigration ne sont pas possibles pour des raisons de contrariété à la Constitution ou aux engagements internationaux et européens. Il faut donc bien comprendre que l’asile est séparé de l’immigration et que, même dans l’immigration, les citoyens européens ne peuvent pas être restreints. Donc, cette catégorie « immigration » est trop vaste ou trop floue pour un référendum.
Deuxièmement, surtout, la proposition d’un référendum sur l’immigration est en fait un marronnier. Elle a déjà été vue avec Nicolas Sarkozy pour sa campagne en 2012, puis à nouveau en 2016. D’ailleurs, dès 2008, il y a eu un rapport Mazeaud qui souligne l’inutilité de la modification de la Constitution pour les questions migratoires, car ces questions relèvent en réalité d’engagements internationaux et européens.
Finalement, ce genre de proposition, qui ne pourra jamais être concrétisée juridiquement, est affichée comme objectif par de nombreux candidats à la présidentielle.