Non, les frontières européennes ne sont pas des passoires, par Sarah Chaumeil

Déconstruisons cette idée reçue sur les frontières européennes, qui seraient des passoires. Le terme sous-entend qu’un flux massif de personnes en situation irrégulière pourrait rejoindre l’Europe en raison d’une supposée absence de contrôles d’identité à ses frontières.

C’est faux bien sûr. Les frontières extérieures de l’Union européenne font au contraire l’objet d’un renforcement de contrôle accompagné de mesures de militarisation et de surveillance numérique. 

Par exemple, le budget de l’agence européenne de gardes-côtes et gardes- frontières Frontex est en constante augmentation, avec un budget de 2,2 milliards d’euros sur la période 2021-2027. 

Un investissement qui concerne notamment l’achat de drones ou de caméras thermiques. Et ce, malgré de nombreuses violations des droits fondamentaux qui seraient commises par les agents opérant sous la bannière de Frontex. 

Des contrôles sont également rétablis aux frontières intérieures, alors que la libre circulation des personnes entre les Etats membres est supposée exister dans l’espace Schengen. 

Depuis les attentats en France de novembre 2015 et la déclaration de l’état d’urgence, les contrôles aux frontières, par exemple avec l’Italie, sont rétablis. Malgré la fin de cet état d’urgence, ce contrôle est devenu permanent avec des renouvellements tous les 6 mois. 

Les arguments mobilisés sont, entre autres, le risque terroriste. Cette pratique a été critiquée par la Cour de justice de l’Union européenne en 2022 qui estime qu’il faut respecter la durée maximale de 6 mois. 

Cette sécurisation des frontières ne dissuade pas les personnes qui s’exilent, mais rend leur parcours migratoire plus dangereux. En réalité, l’exil est surtout motivé par les conditions de vie dans les pays d’origine. 

Ce discours de frontière passoire véhicule une peur de l’invasion infondée, accompagnée par de nombreux stéréotypes. Il n’y a pas, comme l’affirment pourtant la droite et l’extrême droite d’immigration massive en Europe. Par exemple, seulement 20% des migrants et migrantes d’origine subsaharienne font le choix de partir vers l’Europe. 

Et pourtant, cette peur de l’invasion guide les politiques européennes actuelles comme l’illustre le Pacte asile migration qui va être prochainement adopté au sein de l’Union européenne. Ce pacte contient notamment l’instauration d’un tri des personnes avant le franchissement de la frontière extérieure européenne. La future réforme vise donc à sécuriser davantage, plutôt que de répondre à la crise de l’accueil que traverse l’Europe.

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