Non, aucune politique d’immigration n’entraîne “un appel d’air”

Le thème de l’immigration est récurrent dans le débat politique. Et son instrumentalisation sous des expressions particulièrement dures a de quoi inquiéter. Les personnalités politiques, particulièrement celles de droite, dénoncent des politiques d’immigration et d’accueil qui constituent selon eux un “appel d’air”. Faux, d’après les travaux de recherche disponibles. Ceux-ci ne montrent aucune corrélation entre ces politiques et les flux migratoires. Coup de projecteur.

Une expression récurrente dans le débat public depuis les années 2000

“Appel d’air”. Si la généalogie de cette expression est difficile à retracer, elle semble s’être imposée dans le débat public aux débuts des années 2000, à l’époque du camp de Sangatte à Calais (1). Elle cristallisait alors les oppositions entre l’Etat, craignant une « concentration que l’on ne pourrait plus maîtriser » (2), et les associations d’aide aux migrants, plaidant pour une mise à l’abri immédiate et sans condition. De manière générale, cette expression est souvent associée à celles de « submersion » ou de « vague » migratoires, de « grand remplacement » et « d’invasion ». Autant d’expressions qui, selon le chercheur François Gemenne, « déshumanisent les migrants » et n’abordent les migrations que comme « un problème à résoudre » (3).

Or cette expression, « qui trouve sa source dans un prétendu bon sens populaire »(Idem), n’est pas corroborée par les travaux de recherche.

Tout d’abord, les différentes études montrent que ce sont beaucoup moins les conditions d’arrivée (souvent mauvaises) qui attirent, mais la situation dans les pays de départ où se mêlent l’absence d’espoir, le chômage massif des jeunes et parfois aussi la guerre et l’insécurité (4).

A cela s’ajoutent les facteurs individuels, notamment le capital économique et social. Cris Beauchemin, démographe, rappelle ainsi qu’en majorité, ce sont les personnes les plus favorisées qui arrivent en Europe et en France (5).

Les intentions de retour freinées par les politiques migratoires restrictives

Par ailleurs, fait trop souvent oublié, lorsqu’elles arrivent en Europe, nombreuses sont les personnes immigrées à avoir l’intention de retourner dans leur pays. C’est ce que montrent les données des enquêtes MAFE (Migrations entre l’Afrique et l’Europe), présentées par la démographe Marie-Laurence Flahaux (6) : « c’est par exemple le cas de la moitié des migrants sénégalais et congolais qui sont arrivés en Europe entre 1960 et 2009. »

Vidéo de Marie-Laurence Flahaux pour Migrations en Questions

Or, il y a une tendance à la baisse des retours pour des motifs familiaux ou professionnels – qui sont les principaux motifs de retours – notamment du fait du durcissement des politiques migratoires. Il est par exemple très compliqué pour les ressortissants de nombreux pays africains d’obtenir un visa de sorte que s’ils rentrent, ils savent qu’il leur sera très difficile de migrer à nouveau (7).

En contraignant fortement, voire en empêchant la circulation des personnes immigrées entre leur pays d’origine et le ou les pays de destination, la fermeture des frontières favorise les installations définitives (8). Un résultat inverse à ce que recherchent les défenseurs de politiques migratoires restrictives.

EURADIO

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