La migration est un phénomène complexe, influencé par de multiples facteurs. Le changement climatique en fait partie. L’exemple récent de la migration sénégalaise vers les Canaries illustre les différentes causes des départ dont la surpêche et l’acidification des océans qui provoquent la diminution la quantité et la qualité du poisson. La migration relève de dynamiques multiples qui incluent les pressions environnementales et facteurs socio-économiques, dont l’interaction façonne les mobilités humaines.
On fait le point avec Audrey Brouillet, climatologue, et Sofia Meisler, sociologue.
Le phénomène de la migration dépend d’une multiplicité de facteurs. Elle ne peut être purement et simplement climatique. Les modes de vie et les pratiques sociales, dont les migrations font partie, dépendent des interactions entre l’environnement, les institutions et les activités humaines. Par exemple, au Sénégal, les pêcheurs sont de plus en plus nombreux à tenter de partir en mer vers l’Espagne, car ils ont de plus en plus de difficultés à vivre de leur métier. Cela est dû à la fois à la diminution de la quantité de poisson et à la surpêche des chalutiers internationaux qui pêchent de grandes quantités illégalement dans des zones réservées à la pêche artisanale. La combinaison de ces différents facteurs impacte les modes de subsistance de ces pêcheurs et les pousse à partir.
Il est donc nécessaire de prendre en compte à la fois les écosystèmes et les systèmes sociaux et politiques affectés par l’évolution du climat. À un premier niveau, il faut étudier les transformations des écosystèmes, par exemple l’acidification des océans provoquée par le réchauffement climatique. En fait, cette acidification provoque une diminution à la fois de la quantité et de la qualité de poisson disponible. Du coup, dans ces zones où la pêche est le principal moyen de subsistance, la combinaison de la diminution des ressources en poisson, les nombreuses réglementations locales, nationales et internationales, et la densité des activités de pêche conditionnent l’accès à la ressource. Et si les ressources de la pêche ne sont plus suffisantes pour subvenir aux besoins d’un foyer, la migration devient une stratégie d’adaptation.
Ensuite, il faut se rappeler qu’un événement climatique n’engendre pas une seule forme de migration. Au contraire, toutes les migrations n’ont pas les mêmes objectifs ni la même durée. Par exemple, au Bangladesh, au nord du pays, face à des variations importantes des cycles des moussons et des précipitations dues au réchauffement climatique, on observe une augmentation des migrations saisonnières. On observe également des départs permanents de cette région. Dans le cas d’une inondation, par exemple, on observe différentes formes de mobilité successives : le temps de l’évacuation pour sauver des vies, les déplacements temporaires sur une courte distance géographique si le lieu de résidence est détruit, et des formes de migration saisonnière et permanente si les modes de subsistance sont menacés à long terme par les conséquences de l’inondation.
À ces facteurs de mobilité, il faut ajouter la question des appartenances sociales, des représentations et des aspirations qui leur sont associées. Les différentes formes de migration reflètent des situations sociales complexes, déterminées à la fois par le niveau de ressources et de patrimoine des individus, ainsi que par leur position sociale au sein du foyer et de la communauté. Les migrations sont aussi déterminées par des facteurs politiques, sécuritaires ou légaux. Finalement, dans la plupart des cas, les migrations sont le résultat de nombreux éléments sociaux, climatiques, politiques et financiers. Il est difficile, en tous les cas, d’affirmer que le climat en est l’unique cause.