Les obligations de quitter le territoire français, par Catherine Wihtol de Wenden

Les OQTF sont des pratiques qui sont le résultat des politiques migratoires avec l’idée que ça va dissuader les personnes qui sont en situation irrégulière, et que certaines vont solliciter les politiques de retour, qui sont très peu pratiquées. En effet, de même que les OQTF, les taux de mise en œuvre des OQTF avec retour au pays est aujourd’hui entre 7 et 8 % alors que dans l’opinion publique et de la part des promesses politiques souvent on annonce un objectif de 100 %.

Ces OQTF sont prononcées suite à un refus d’octroyer un titre séjour. Il faut savoir qu’il existe deux cas où on ne peut pratiquer l’OQTF :

  1. Pour les déboutés du droit d’asile qui viennent de territoires en guerre, la Convention de Genève précise qu’on ne peut pas renvoyer vers des pays en guerre.
  2. Les mineurs, puisqu’il y a une obligation de prise en charge par l’ASE des mineurs sur le territoire.

En réalité, la situation est plus difficile que dans les représentations de l’opinion publique dans l’application des OQTF. En effet, il faut, d’une part, que le pays de destination, souvent le pays d’origine, donne une certification consulaire. Il existe alors une sorte de bras de fer entre le pays d’origine et les pays qui veulent renvoyer les personnes parce que souvent ils refusent de reprendre leurs nationaux en affirmant que souvent ces individus ont passé leur vie dans le pays d’accueil. Également on observe une négociation entre les deux pays, où le pays d’accueil décide que si les pays d’origine n’acceptent pas les OQTF alors ils refuseront les visas octroyés aux nationaux des pays d’origine.

La mise en œuvre est compliquée car les gens qui ont reçu une OQTF certains vivent sur le territoire et sont sous la menace d’un contrôle d’identité pour une durée indéterminée jusqu’à régularisation. Dans d’autres cas, si les individus sont enfermés en centre de rétention (CRA), il y a une difficulté physique de l’OQTF puisqu’il faut que la personne soit extraite du CRA, mise dans l’avion puis reconduite. Il y a alors beaucoup de résistance, de cas d’atteinte à la déontologie de la sécurité, l’ancêtre du « Défenseur des droits ». Parfois on observe un abandon car les personnes résistent trop. Aussi, dans l’avion on recense des morts d’asphyxie car les personnes sont liées, pieds et poings scotchés, pendant leur vol.

Le coût est aussi très élevé, du fait de la nécessité d’un billet d’avion pour la personne ainsi que pour les policiers qui accompagnent. On ne sait pas parfois quel va être le sort de la personne qu’on renvoie : elle peut être emprisonnée dans le pays de retour. Une autre difficulté réside dans le fait que le coût est d’autant plus élevé si la personne vient d’un pays lointain. Aussi, certains chefs de bord refusent de démarrer le vol s’ils observent trop de maltraitance de la part des policiers. Certains passagers peuvent exiger le refus de partir s’ils observent ce type de cas, soutenant ainsi la démarche de certains chefs de bord.

Le résultat c’est qu’on a aujourd’hui un taux de reconduction qui est autour de 7 à 8 % des OQTF, et que si on mettait en œuvre à 100 % ces OQTF, le coût serait d’autant plus élevé, autour de plus de 2000€ par personne, il faudrait ainsi un consentement des citoyens à financer ces OQTF. D’autre part, la solution pour arriver à 100 % ce serait de renégocier avec les pays de départ les conditions de ces OQTF, ou qu’il y en ait beaucoup moins qui soient prononcées. La préfecture ne sachant pas quoi faire des personnes qui sont en situation irrégulière décide de prononcer une OQTF sans savoir quel sera le sort qui sera appliqué à cette obligation.

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