Non, le sauvetage en mer n’entraîne pas d’appel d’air, par Sarah Chaumeil

Attaquons-nous à une idée reçue selon laquelle les opérations de sauvetage en Mer Méditerranée provoqueraient un appel d’air. 

Disons-le d’emblée : c’est faux. Pour soutenir cette fausse théorie, 3 arguments sont avancés: 1 – La présence d’ONG encouragerait les traversées, 2 – les ONGs participeraient au business des passeurs, et 3 – les opérations de sauvetages rendraient ainsi les parcours migratoires plus dangereux.

Pourtant, plusieurs études scientifiques ont montré l’absence de lien entre le nombre de traversées et la présence de navires de sauvetage en Méditerranée. Par exemple, en août 2023, l’University de Potsdam publie une étude “Search‑and‑rescue in the Central Mediterranean Route does not induce migration: Predictive modeling to answer causal queries in migration research”

La réalité des chiffres le démontre aussi : l’opération Mare Nostrum menée par l’Italie, à partir 2013, a été arrêtée au bout d’un an faute de moyens et de coopération avec les autres pays européens. Mais la fin de l’opération n’a pas freiné les traversées. Au contraire, les tentatives de traversée de la Méditerranée se sont amplifiées depuis. 

L’année 2015 a même été une année particulièrement meurtrière avec plus de 4000 morts en mer selon l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM. Les naufrages ont été multipliés par 30 par rapport à 2014. Plus d’un million d’exilé.es ont traversé la Méditerranée pour atteindre l’Europe cette année-là, soit 5 fois plus que l’année précédente malgré l’absence de tout moyen de sauvetage. Ce qui confirme qu’il n’y a aucun lien entre le nombre de traversées et les opérations de secours.

L’intervention d’ONG de sauvetage est donc apparue nécessaire en 2016 pour pallier l’absence de moyens étatiques ou européens. D’autant plus que le sauvetage en mer est une obligation du droit maritime. 

Ce sont avant tout les conditions météo en mer, les fluctuations de la situation politique et les persécutions subies par les personnes dans leur pays de d’origine et de transit qui déterminent la volonté de partir. Seulement 20% des migrantes et migrants d’origine subsaharienne font le choix de partir vers l’Europe. Les flux migratoires se font donc surtout vers des pays voisins. 

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