Les événements tragiques qui ont eu lieu à Annecy le 8 juin 2023 ont fait réagir la communauté des chercheurs en migration sur le terrain de la santé mentale des migrants. C’est notamment le cas de Marie-Caroline Saglio qui est anthropologue, psychologue et directrice adjointe de l’Institut Convergence Migrations et d’Andrea Tortelli psychiatre et chercheuse à l’Inserm.
Ce que l’on peut retenir de ce sujet, selon ces deux chercheuses, c’est tout d’abord que le vécu migratoire peut affecter durablement la santé mentale. Qu’il s’agisse du parcours pré-migratoire, c’est à dire le départ peut être lié à des violences subies, ou alors pendant le parcours, en raison de la séparation familiale par exemple et des violences sur la route (exemple de la Libye) ou encore le parcours post-migratoire, là en raison du déracinement qui est ressenti, de la précarité, de la perte identitaire, de la stigmatisation et des conditions d’accueil très précaires dans les camps ou les rues, notamment pour les MNA ou les jeunes mères.
Tous ces éléments dégradent la santé mentale des personnes qui migrent et qui sont souvent sujettes à des troubles, notamment deux en particulier, qui sont d’ailleurs corrélés. Il s’agit tout d’abord de troubles du stress post-traumatique et de certaines formes de dépression. D’ailleurs, selon un rapport du COMET de 2017, 62 % des personnes accueillies ont subi des violences et l’un de ces troubles. Il faut ensuite ajouter des troubles du sommeil, des difficultés relationnelles en raison des violences qui ont été subies ce qui aboutit finalement à un trouble du stress post-traumatique dit complexe en raison de la répétition des violences subies.
Quelle prise en charge en France pour ces soins psychiatriques ? L’accès à ces soins en France est gratuit pour tous, y compris pour les personnes étrangères, mais en pratique peu adaptées, notamment en raison de la nécessité d’interprétariat qui est peu présente et pourtant fondamentale. De plus, ce sont souvent les pathologies sévères qui sont soignées, comme la schizophrénie, les personnes qui migrent elles-mêmes ne se tournent pas directement vers ces soins puisque la priorité est mise sur le fait de se nourrir, de se loger, de suivre la procédure, ce qui finit d’ailleurs par une grande décompensation qui peut aller jusqu’aux urgences.
On en conclut qu’il faut un accompagnement transversal, social, psychiatrique, médical car 90 % des personnes qui migrent ont des maux de tête par exemple, subissent des dépressions, et que ce travail de prise en charge est préventif mais doit être rapide car les facteurs vécus comme de la violence pourraient aggraver un état et cette prévention permettrait d’empêcher l’émergence de troubles psychiatriques plus graves.