Expatriés et migrants, y a-t-il une différence ? Par Sylvain Beck

La plupart du temps, dans la presse et les discours publics, les discours sur les expatriés ont des connotations positives et les migrants plutôt des connotations négatives. En effet, les migrants seraient problématiques pour les pays d’accueil, tandis que les expatriés, qui jouissent du petit surnom d’« expat’ » qui les rend sympathique, seraient moins problématiques. Pour le dire autrement, dans un discours économique dominant, les expatriés seraient bénéfiques pour l’économie du pays de départ et celle du pays d’accueil, alors que les migrants seraient des personnes qui viennent chercher l’assistance du système de protection sociale des pays riches en évitant de s’inscrire dans le contrat social par des efforts d’intégration.

En tapant les mots « expatriés » et « migrants » dans un moteur de recherche sur internet, les images sont significatives. Les premiers sont figurés en tant qu’homme ou femme habillés en costume ou tailleur avec valise à roulettes dans un aéroport, des images de voyage, de passeport. Tandis que les seconds sont représentés comme des personnes entassées dans des embarcations de fortune en pleine mer avec des gilets de sauvetage ou errant sur des routes isolées. À première vue, l’expatriation désignerait donc des personnes blanches plutôt riches voyageant en avion et les migrants seraient plutôt des personnes racisées voyageant à pieds et en barques.

Cette distinction est par elle-même problématique dans une économie mondialisée glorifiant la mobilité géographique, mais elle produit des représentations qui tendent à simplifier des situations complexes : des parcours de vie, des situations personnelles ou politiques, des origines sociales différenciées et une injustice globale en termes de droits humains, à savoir la liberté de circuler selon son origine sociale, nationale ou ethnique. Par exemple, le classement Henley des passeports, qui classe le droit à la mobilité en fonction de la nationalité du passeport, selon des critères de nécessité et d’obtention de visas pour aller dans un certain nombre de pays (sans visa, avec visa demandé à l’arrivée ou avec visa requis avant le départ). Ainsi, selon les sources, on retrouve les passeports des Emirats Arabes Unis ou du Japon aux premiers rangs, suivis des passeports allemand, suédois ou français ; tandis que les passeports afghans, irakiens ou syriens sont classés parmi les nationalités qui ont le moins le droit de libre-accès à l’immigration.

Autrement dit, si les images montrent une distinction raciale en termes de déplacements mondiaux, la distinction est aussi nationale, sociale et professionnelle, mais elle est surtout construite juridiquement en fonction de rapports historiques et géopolitiques.

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