Crise franco-italienne, l’idée de la « Border force » décryptée par Bastien Charaudeau-Santomauro

Les frontières sont souvent au coeur des préoccupations. La récente feuille de route du gouvernement en témoigne. Le 26 avril 2023, la première ministre a annoncé le renforcement des contrôles policiers à la frontière franco-italienne et la création d’une force aux frontières, ou « border force » dont on ne connaît pas aujourd’hui les contours. Contrôler les frontières mais à quel prix ?

Ce que l’on observe aux frontières de l’Europe, autant qu’aux frontières de la France, c’est que le droit de demander l’asile est de plus en plus remis en cause. J’aimerais ici rappeler quelques règles juridiques simples et pourtant fondamentales concernant le droit d’asile en Europe.

Contrairement à ce que l’on entend dans certains discours gouvernementaux, le droit d’asile s’applique à nos frontières. Cela signifie que toute personne arrivant à une frontière extérieure ou intérieure de l’UE a le droit de demander l’asile et de voir sa demande examinée par l’État concerné. Un Etat ne peut donc pas refouler sans l’examen individuel approfondi une personne demandant l’asile : c’est vrai à la frontière entre la Grèce et la Turquie, c’est vrai à la frontière entre la France et l’Italie. Le droit de l’UE et le droit français sont très clairs là-dessus. Cette obligation faite aux Etats de traiter les demandes d’asile reçues à leur frontière s’explique selon une double logique.

D’abord, par ce que l’on appelle une juridiction qui établit une responsabilité des Etats en matière de droits fondamentaux. Un Etat est responsable d’une personne dès lors que celle-ci se trouve sur son territoire ou sous le contrôle de ses autorités. C’est bien le cas lorsqu’une personne se présente à une frontière nationale : elle est à un point de passage qui est sur le territoire de l’État et elle fait face à la police aux frontières de cet Etat, laquelle à le sort de cette personne entre ses mains. Le droit d’asile s’applique à la frontière.

Ensuite, le droit de demander l’asile doit être inconditionnel. En effet, par définition un réfugié ne peut pas se prévaloir de la protection de son Etat d’origine qui peut même être responsable des persécutions qu’il subit. Et si l’on appliquait les règles classiques concernant l’entrée des étrangers, la détention de documents de voyage, de visa, on courrait le risque de renvoyer une personne vers une situation dangereuse. Le droit d’asile suppose donc que l’on prenne le temps de l’accueil, quitte à établir par la suite qu’une personne ne répond pas aux critères.


En somme, pouvoir demander l’asile à la frontière d’un Etat comme la France c’est la condition sine qua non d’un droit d’asile effectif. Et il serait d’ailleurs utile que la nouvelle force aux frontières soit formée sur ces questions.

EURADIO

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