Que dit le Pacte asile et immigration de l’Union européenne? — Avec Virginie Guiraudon

Réalisé en coopération avec la Heinrich-Böll-Stiftung Paris, France-Italie. Animation : Tania Racho (Désinfox-Migrations). Musique : Komiku, The Hélice’s theme, 2020

Le Pacte européen sur l’asile et l’immigration sera très probablement adopté avant la fin de l’année 2023. L’opinion publique est-elle suffisamment informée ? Quel est le discours officiel à ce sujet ?

Pour répondre à ces questions, nous reviendrons sur les raisons du Pacte qui sont motivées par un besoin de réforme, non sans difficultés puisque les discussions ont débuté en septembre 2020. Des difficultés que l’on rencontre aussi dans le contexte français avec la Loi Asile et immigration. D’ailleurs, la concomitance de légifération à ces deux niveaux interroge sur la cohérence d’ensemble. L’un des objectifs du Pacte est d’assurer le financement de l’externalisation et le co-financement de construction de frontières physiques pour empêcher les personnes d’arriver en Europe.

On observe cependant que l’UE n’a pas attendu cette réforme pour avancer dans sa politique d’immigration comme on a pu le voir avec la Tunisie. Cette stratégie d’empêchement des arrivées est un leurre car, comme le montrent nombre de travaux de recherche, on ne peut empêcher les personnes de migrer, d’autant moins avec le changement climatique.

On prend de la hauteur avec Virginie Guiraudon, directrice de recherche au CNRS, rattachée au Centre d’études européennes de Sciences Po, pour analyser ce que dit le Pacte de l’Union européenne.

Ce qu’il faut retenir

Impact des événements récents

Le pacte de l’Union européenne est un élément parmi d’autres dans la gestion de la migration, et il a été influencé par des événements tels que la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les arrivées récentes en Italie. Virginie Guiraudon souligne l’importance de considérer les positions diverses, notamment celles de la Commission européenne, du Parlement et des États membres.

Critiques sur la préparation du pacte

La préparation précipitée du pacte en 2020, malgré les attentes élevées, a suscité des critiques. Certains rédacteurs étaient plus orientés vers la communication que vers une expertise juridique en matière de migration. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a été très active sur ce dossier, malgré les défis et les critiques.

Rôle et critiques de Frontex

Frontex, l’agence européenne de garde-frontières, joue un rôle central dans la gestion des flux migratoires. Créée en 2004 et réformée en 2016, elle a vu son budget et ses prérogatives augmenter. Cependant, Frontex a été critiquée pour son manque de respect des droits fondamentaux, sa transparence et sa coopération avec les autorités libyennes. Ces critiques ont conduit à la démission de son ancien directeur, Fabrice Leggeri.

Externalisation et coopération avec les pays tiers

L’Union européenne cherche à prévenir les flux migratoires en amont, en investissant dans des pays tiers comme la Mauritanie, le Sénégal et la Serbie. Cette stratégie est perçue comme une violation du principe de non-refoulement. Par ailleurs, la coopération de Frontex avec des pays candidats à l’UE, notamment dans les Balkans occidentaux, implique des accords pour empêcher les personnes d’entrer dans l’Union européenne.

Conséquences humanitaires et politiques

Les conditions dans les camps de rétention en Bosnie, près de la frontière avec la Croatie, sont extrêmement précaires, ce qui suscite des critiques sur le respect des droits de l’homme. Ces pratiques ont également des répercussions négatives sur les perceptions de l’Union européenne dans ces régions, créant un sentiment de désillusion parmi les populations locales.

Contradictions et valeurs de l’Union européenne

L’Union européenne affiche un discours axé sur le respect des droits de l’homme et des libertés, mais ses actions en matière de migration révèlent une contradiction. Cette contradiction est exacerbée par les investissements dans l’externalisation des contrôles migratoires, perçus comme une solution à court terme et contraire aux valeurs fondamentales de l’UE.

Potentialité d’un changement de paradigme

Virginie Guiraudon évoque la possibilité d’un changement de paradigme dans la gestion des migrations si une montée de la gauche plus centriste ou de l’extrême gauche se produisait en Europe. Elle souligne la nécessité de réformer les politiques actuelles pour mieux intégrer les migrants et résoudre les problèmes de main-d’œuvre, plutôt que de se concentrer uniquement sur le renforcement des frontières.

Conclusion

En conclusion, Virginie Guiraudon met en lumière les contradictions et les défis des politiques migratoires européennes. Elle insiste sur l’importance de respecter les droits de l’homme et de repenser les stratégies actuelles pour éviter des conséquences humanitaires désastreuses et des effets négatifs sur les valeurs démocratiques de l’Union européenne.

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