Schengen et les frontières françaises, par Bastien Charaudeau Santomauro

Quand on habite en France on est habitué à circuler d’un pays à l’autre librement au sein de l’UE. C’est même l’un des piliers de l’intégration européenne. Pourtant, la France réalise, dès 2015, des contrôles systématiques à ses frontières intérieures et aux frontières avec l’Italie et l’Espagne en particulier qui se traduit par un déploiement des forces de l’ordre et de l’armée qui refoulent chaque semaine des centaines de personnes souvent originaires du Moyen-Orient et de l’Afrique subsaharienne.

Alors que nous dit le droit à ce sujet ? Au sein de l’espace Schengen, le principe est simple : les frontières doivent pouvoir être franchies sans vérification des personnes et ce quelque soit leur nationalité. La règle du libre-franchissement concerne donc tout le monde et pas seulement les citoyens européens. Mais alors les Etats peuvent-ils contrôler leurs frontières Schengen ? C’est possible mais seulement de façon exceptionnelle, en raison d’une menace grave à l’ordre public et à la sécurité intérieure, et temporaire (qui n’excède généralement pas six mois).

Or, ce que l’on observe dans le cas de la France, c’est un détournement du droit de l’UE vis à vis des justifications et de la durée maximale de ces contrôles. D’une part officiellement, la France fonde ces contrôles sur l’existence d’une menace terroriste constante alors que le directeur des affaires européennes du ministère de l’Intérieur a lui-même reconnu que l’objectif est de restreindre les flux migratoires, ce qui est donc contraire au droit européen. D’autre part, la France contrôle ses frontières depuis novembre 2015, cela fait donc 7 ans qu’une mesure exceptionnelle et temporaire est reconduite. L’argument avancé par le gouvernement consiste à dire qu’à chaque renouvellement de cette mesure de contrôle, tous les six mois, une nouvelle menace terroriste a été détectée. La menace étant renouvelée, le fondement de la mesure repartirait à zéro, comme s’il n’y avait aucune continuité dans la rationalité des contrôles effectués depuis 2015.

Voilà qu’une norme européenne concernant la sécurité intérieure est détournée à des fins de gouvernance nationale des migrations. Selon les associations les conséquences de ce détournement du droit sont sérieuses : des contrôles discriminatoires, un accès difficile à l’asile, des pratiques d’enfermement qui s’émancipent des cadres juridiques, et surtout des personnes qui se trouvent chaque jour en détresse à nos frontières et dans nos montagnes.

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