Convention citoyenne sur la migration et référendum : quelles différences ? Par Mélodie Beaujeu

Un collectif d’une cinquantaine d’associations et un autre de 400 chercheurs, via une tribune dédiée, ont récemment demandé au gouvernement l’organisation d’une convention citoyenne sur les migrations. L’association Désinfox-Migrations fait partie du collectif d’associations et a coordonné la tribune de 400 chercheurs. Certains ont vu dans cette proposition le prolongement de la proposition portée par certains responsables politiques, en particulier du RN durant la campagne présidentielle, d’un référendum sur l’immigration. Ils font valoir que, dans les deux cas, il s’agit d’interroger les citoyens français au sujet de l’immigration et donc, potentiellement, d’orienter davantage les orientations politiques en fonction de leurs avis.

Même si en effet ce rôle citoyen peut apparaitre comme le dénominateur commun aux deux propositions, dans les faits, tout les oppose. On remarque d’ailleurs que les promoteurs du référendum sur l’immigration parlent plutôt que de « citoyens » du « peuple » français et cela n’a rien d’innocent ou d’anecdotique.

Il faut d’abord rappeler que les deux processus, la convention citoyenne d’un côté, le référendum de l’autre s’inscrivent dans des cadres juridiques bien différents. La possibilité de référendum est inscrite dans la Constitution française. Comme les chercheurs et juristes Tania Racho et Serge Slama l’ont expliqué pour Désinfox-Migrations lors d’un point-presse au moment de la campagne présidentielle de 2022, toute proposition ne peut être soumise à référendum. En l’occurrence, de nombreuses propositions que le RN souhaite soumettre eux Français telle que la suppression du droit d’asile ou du regroupement familial sont anticonstitutionnelles et ne pourraient donc faire l’objet de référendum. De même, il ne serait pas légal de demander aux Français s’ils sont « pour » ou « contre » l’immigration, car l’objet serait alors bien trop flou.

Les conventions citoyennes constituent, quant à elles, des processus purement consultatifs et participatifs. Ce processus est défini par l’association Sciences citoyennes comme : « Une procédure de participation qui combine une formation préalable (où les citoyens étudient), une intervention active (où les citoyens interrogent) et un positionnement collectif (où les citoyens rendent un avis). »

Ces conventions ne disposent donc pas d’un pouvoir de proposition et il revient aux assemblées parlementaires de faire la loi, tant au niveau national que local. La convention citoyenne reste donc un outil de la démocratie représentative pour associer davantage les citoyens à la décision.

Deuxième différence fondamentale : la proposition de référendum sur l’immigration ne comporte, à la différence de la convention citoyenne, aucune formation et discussion collective des citoyens entre eux et avec d’autres parties prenantes (recherche, associations) ; ce afin de délivrer un avis le plus éclairé possible sur ces sujets complexes.

A l’opposé de cette ambition, les questions qui seraient soumises à référendum sont elles-mêmes fondées sur des infox (l’effet d’ »appel d’air » du droit d’asile, le « poids économique et social de l’immigration ») qu’il ne s’agit nullement d’interroger mais bien d’entériner dans l’esprit du « peuple », selon une logique binaire du « pour » ou « contre » !

N’en déplaise à ceux qui voulaient voir dans la proposition collective d’une convention citoyenne sur les migrations la résurgence du marronnier politique du référendum sur l’immigration.

EURADIO

Une chronique de 2 minutes et 30 secondes toutes les semaines sur une thématique en lien avec les migrations. 

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