En septembre 2022, Emmanuel Macron, dans un discours où il évoquait le modèle français d’intégration, proposait de répartir les personnes immigrées demandeuses d’asile ou réfugiées sur le territoire national et plutôt en dehors des grandes villes. L’argument principal mis en avant est que les villes petites et moyennes tout comme les territoires ruraux disposent d’une offre de logement permettant à des personnes en grande précarité résidentielle d’y avoir accès – ce qui, dans le même temps, pourrait redonner une forme de dynamisme démographique aux territoires et serait, selon le Président « une formidable opportunité ».
Outre le fait qu’il s’agit d’une vision très utilitariste – et de l’immigration, et des villes petites et moyennes – il ne s’agit en réalité pas du tout d’une nouveauté : la logique de répartition spatiale des personnes immigrées en dehors des espaces frontaliers comme Calais ou des espaces métropolitains comme l’Ile de France existe depuis longtemps. Elle s’est encore renforcée et institutionnalisée à partir de 2015. Elle vise à éviter les effets dits de « concentration » – qui correspondent en fait aux logiques d’installation spontanée des personnes immigrées
Quels sont les effets de ces dispersions sur les trajectoires et les expériences résidentielles des personnes immigrées ?
Dans la plupart des cas, ces délocalisations s’accompagnent d’une amélioration de la condition résidentielle des personnes immigrées : de fait, quittant la Jungle de Calais, des campements de rue, des hôtels sociaux insalubres ou des dispositifs d’hébergement saturés, elles ont accès à un toit, à une relative stabilité en arrivant dans les villes petites et moyennes.
Cependant, même pour celles qui y restent plusieurs mois ou années, l’expérience même de la délocalisation est une épreuve. Elle est une plongée en territoire inconnu, loin de tout repère, et, particulièrement pour les personnes qui n’ont pas de statut de réfugié est vécue avec un fort sentiment de contrainte et de stress : de fait elles n’ont le choix ni du départ ni du lieu d’arrivée.
Ainsi, il peut y avoir une forme de soulagement, d’être « arrivés » quelque part, mais l’inquiétude liée aux démarches administratives longues et incertaines. Cette incertitude administrative génère aussi des vulnérabilités résidentielles et beaucoup d’angoisse. Les hébergements dans les centres d’accueil restent provisoires, les personnes déboutées du droit d’asile ou dublinées pouvant être remises à la rue ou expulsées, sans savoir alors si elles resteront dans la même ville, la même région. Elles savent aussi qu’elles peuvent encore être déplacés d’un habitat à l’autre en fonction des places disponibles, de logements qui se libèrent.
De plus, ces délocalisations ne tiennent pas du tout compte des réseaux de sociabilité pré-existants et cette arrivée dans une ville inconnue rime également avec un grand isolement. Par ailleurs, les immigrés en attente d’un statut administratif sont rapidement confrontés à un profond désœuvrement qui affecte beaucoup leurs expériences dans les villes petites et moyennes. De fait, demandeur d’asile ou sans titre de séjour, ils sont dans l’impossibilité de travailler de manière officielle ou même bien souvent de se former, et ils souffrent d’un manque d’activités.