Peut-on réellement dire qu’il y a eu une « crise migratoire » en 2015 ? Par Tania Racho

Peut-on réellement dire qu’il y a eu une « crise migratoire » en 2015 ? Ce terme apparut dans les médias en 2015 est largement contesté par la recherche. Rappelons les faits, en 2015 le conflit syrien s’intensifie en entraînant davantage d’exil de sa population. La plupart des Syriens rejoignent l’Europe en passant par la Turquie et font des traversées dangereuses par la mer entre la Turquie et la Grèce avec d’ailleurs des milliers de noyés. La Grèce est débordée, les Syriens continuent donc leur trajet vers le reste de l’Europe.

La question se pose alors de savoir s’il fallait déclencher la directive « protection temporaire », celle qui a été utilisée finalement pour les Ukrainiens. Mais les Etats-membres y sont opposés en 2015. L’UE décide finalement d’adopter des quotas de relocalisation en fonction d’une clef de répartition qui prend en compte la situation économique et la démographie de chaque pays mais il y a des Etats qui ne participent pas, comme la Hongrie. La décision sera donc finalement abandonnée.

Ensuite, l’UE décide de s’allier avec la Turquie, avec la déclaration UE-Turquie en 2016, aussi appelé « Accord Un pour Un ». L’objet est d’échanger un Syrien resté en Turquie pour le réinstaller en Europe contre un Syrien qui se serait rendu de façon irrégulière en Grèce le tout en échange d’une aide de 6 milliards d’euros. Ces dispositifs d’urgence ont été mis en place car il ya aurait eu une « crise migratoire ».

Seulement, la réalité démontre plutôt qu’il y a eu une crise de l’asile ou de l’accueil. Les chiffres sont clairs. Dans l’UE on a observé un pic de demandes d’asile en 2015, le double des niveaux habituels. D’ailleurs, ce n’est pas du tout le cas de la France qui, en 2015, a enregistré une hausse d’environ 8000 demandes mais un total inférieur à celui de 2021 par exemple. Au niveau de l’UE au contraire le niveau de demandes en 2021 est le même qu’en 2014, avant la crise donc. Si pic il y a eu, il n’a pas concerné la France. Et d’ailleurs aujourd’hui on compte environ un million de Syriens présents en Europe contre plus de trois millions en Turquie. Pour rappel, en 2022 il y a eu plus de huit millions d’Ukrainiens qui ont été accueillis en Europe, soit un niveau largement supérieur.

En revanche, l’utilisation répétée de l’idée de « crise migratoire » a bien eu pour conséquence une perception erronée de la réalité. En France, la population estime que les étrangers sont environ 23 % alors qu’ils sont 7 % en réalité.

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