« Migrations climatiques » : le réchauffement climatique est-il toujours en cause ? (5/5)

Vidéo réalisée par Désinfox-Migrations en partenariat avec la Communauté de Savoirs Migrations de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Avec le soutien de l’Unité de recherche Migrations et société (URMIS) et du projet CLIMHB – « Climate Change, Migration and Health Systems Resilience in Haiti and Bangladesh » (ANR). Textes et présentation : Audrey Brouillet, Sofia Meister et Maeva Belloiseau. Réalisation : Perin Emel Yavuz. Désinfox-Migrations — CC-BY-NC-ND — 2024

Lorsqu’on étudie les migrations climatiques, on cherche à attribuer les événements climatiques au réchauffement global d’origine humaine. Cela implique de déterminer si une migration est liée à un événement climatique ou à une tendance, et si cette dernière est due au réchauffement d’origine humaine. La méthode d’attribution permet de comparer les scénarios avec et sans influence humaine. L’exemple de la canicule en France de 2019 le montre : les scientifiques ont pu démontrer qu’elle est attribuable à 87% aux émissions de gaz à effet de serre. Cependant, tous les phénomènes extrêmes ne sont pas directement imputables au réchauffement climatique peuvent être liés à d’autre facteurs.
On fait le point avec Audrey Brouillet, climatologue, et Maeva Belloiseau, consultante.

Lorsqu’on s’intéresse aux migrations climatiques, on essaie également de déterminer si un événement climatique ou un changement du climat, comme par exemple l’augmentation du nombre de sécheresses, est réellement attribuable au réchauffement global d’origine humaine. Pour analyser comment le changement climatique affecte les déplacements de population, il faut procéder par étape.

Pour déterminer les niveaux d’attribution, on cherche d’abord à savoir si une migration est en lien ou non avec un événement ou une tendance climatique. Lorsqu’on parle d’événement climatique, on parle par exemple d’une sécheresse, et de tendance climatique, ce sera plutôt l’augmentation ou la diminution sur une période donnée du nombre de sécheresses. On cherche également à savoir si cet événement ou cette tendance est réellement attribuable au réchauffement global d’origine humaine. Cette étape est cruciale pour s’interroger sur la responsabilité de nos sociétés, à la fois sur le réchauffement climatique et également les migrations humaines.

En climatologie, c’est un domaine qu’on appelle l’attribution. Plus précisément, l’attribution regroupe à la fois la détection et l’attribution. D’abord, on va chercher à détecter un événement, le mettre en évidence (la détection), et ensuite on va essayer d’en expliquer les causes possibles (on parle d’attribution). Différentes méthodes d’attribution existent : il y a des méthodes purement statistiques, et on utilise également la modélisation numérique, donc tout ce qui est modèle de climat.

Quand on utilise la modélisation numérique, on va simuler le climat dans deux mondes différents. D’un côté, on simule un monde climatique actuel, donc le plus réaliste possible, c’est-à-dire avec les facteurs naturels mais également avec les activités humaines, principalement nos émissions de gaz à effet de serre. De l’autre côté, on va simuler un climat uniquement influencé par des facteurs naturels, donc par exemple les variations du rayonnement solaire ou les éruptions volcaniques. À la fin, on compare les deux simulations : d’un côté, la simulation avec que des facteurs naturels, et de l’autre, la simulation avec nos activités humaines. S’il y a une différence entre les deux simulations, on peut dire qu’on a une attribution.

Prenons un exemple : la canicule en France de 2019. C’est un phénomène qui a particulièrement attiré l’attention dans les médias. Mais est-ce que ce phénomène est vraiment attribuable au réchauffement climatique d’origine humaine ? Pour apporter des réponses à cette question, plusieurs chercheurs, notamment à Météo-France, ont appliqué des méthodes statistiques et de modélisation pour attribuer ou non cet événement au réchauffement climatique. Conclusion : cette canicule en France de 2019 est attribuable à 87 % à nos émissions de gaz à effet de serre et donc au réchauffement climatique global. Ils montrent aussi que cette canicule, sans activité humaine, aurait une chance sur 300 d’avoir lieu, mais actuellement, ce risque est 10 fois plus probable. En 2040, il pourrait même être jusqu’à 20 fois plus probable.

Attention, tous les extrêmes ne sont pas forcément dus au réchauffement climatique d’origine humaine. Par exemple, à Madagascar, entre 2019 et 2021, il y a eu une grande sécheresse qui a entraîné une importante famine, avec plus de 60 % de pluie en moins et près d’un million de personnes placées en crise alimentaire aiguë. On a rapidement attribué cet événement au réchauffement climatique d’origine humaine, que ce soit dans les médias ou également dans le Programme alimentaire mondial de l’ONU. Pourtant, scientifiquement, la famine à Madagascar ne peut pas être attribuée au réchauffement climatique global. Si la sécheresse n’a pas été anormale statistiquement parlant, le fait qu’elle entraîne une famine est principalement lié à des causes multifactorielles, comme les politiques agricoles ou bien la pauvreté locale.

Référence

Robin, Yoann et al., “Comment attribuer une canicule au changement climatique ?”, La Météorologie, n°115, 2021, https://lameteorologie.fr/issues/2021/115/meteo_2021_115_28

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